mardi 9 décembre 2014

La métaphysique du temps

MontreGousset001

Après nous être intéressé dans le dernier article à la métaphysique de l'espace, passons à un sujet éminemment philosophique : le temps.

Le temps, c'est une chose avec laquelle nous sommes tous familier, mais aussi qui pose énormément de questions (métaphysiques justement), tant nos intuitions communes peuvent s'avérer parfois contradictoires, ou pour le moins difficile à expliciter de manière cohérentes.

Aujourd'hui nous allons nous intéresser en particulier aux deux questions suivantes : les événements passés et futurs existent-ils, et y a-t-il un présent objectif ? (Je garde pour la prochaine fois celle-ci : le temps a-t-il une direction intrinsèque ?)

Comme souvent en philosophie, ce type de questionnement n'est pas vraiment nouveau. Déjà le philosophe grec Héraclite philosophait sur l'impermanence de toute chose, tandis qu'à peine plus tard, Parménide pensait que le changement n'est qu'apparence dans une réalité statique. Aristote discutait l'argument fataliste suivant : si d'après le principe logique du tiers exclu toute proposition est soit vraie soit fausse, alors la proposition qui affirme qu'une bataille maritime aura lieu demain est soit vraie soit fausse, et le futur est déjà déterminé (l'ouverture du futur contredirait des principes de logique élémentaire)...

Dans ce billet je vous propose de revenir sur la formulation contemporaine de ces questions en philosophie du temps, puis (n'oublions pas que c'est un blog de philosophie des sciences) sur l'impact qu'on eut les sciences sur ces débats.

Luny Thomas Battle Of The Nile August 1st 1798 At 10pm

Le présentisme

C'est un peu un lieu commun que de dire que le passé n'existe plus, et que le futur n'existe pas encore, et que donc seul le présent existe. Dans le jargon philosophique, on nomme cette théorie le "présentisme".

Cette façon de voir les choses s'accorde bien avec l'idée que le futur est ouvert : demain, il est possible qu'il neige ou qu'il ne neige pas, ce n'est pas encore déterminé. Mais nous employons aussi systématiquement des phrases qui portent sur le passé, et qui sont, elles, parfaitement déterminées, par exemple : Napoléon est mort à Sainte Hélène. Comment interpréter cette phrase et comment savoir si elle est vraie ou fausse si, à en croire le sens commun, Napoléon n'existe pas (ou plus) ? Ou pour le dire autrement, qu'est-ce qui, dans le monde, rend vrai cette phrase si le passé n'existe plus ? Et si ni le passé ni le futur n'existent vraiment, qu'est-ce qui nous permet pourtant de les différencier l'un de l'autre dans le langage courant ? Que veut-on dire quand on parle au passé et au futur ? Autant de défis pour le présentiste.

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En réponse à toutes ces questions, on peut penser que le passé existe bien en un sens, mais qu'il existe différemment du présent. Peut-être par exemple existe-t-il sous forme de traces dans le présent uniquement (ce qui rendrait vrai l'affirmation que Napoléon est mort à Sainte Hélène, ce serait les comptes rendus historiques et autres traces contemporaines de ce fait).

Il ne faudrait pas cependant faire l'erreur basique de confondre les preuves et ce à quoi elles se rapportent : les traces du lapin dans la neige ne sont pas le lapin. Et puis une telle façon de voire les choses nous demanderait une réinterprétation drastique du langage courant, de ce qu'on veut dire quand on emploie le passé, qui peut sembler peu compatible avec le vœu pieux de "rester fidèle à nos intuitions" : celles-ci ne s'expriment-elles pas justement dans le langage courant ?

Enfin nous sommes parfois amenés à comparer directement les choses présentes et passées (tu es plus petit que ton grand père ne l'était). Donc la façon dont le passé et le présent existent doivent être assez semblables en fin de compte, pour autoriser ce type de comparaison directe, mais suffisamment différentes pour que le présent reste le seul instant qui existe "vraiment". Admettons que tout ça laisse un léger parfum de mystère qu'il n'est pas facile de dissiper.

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L'éternalisme et les théories mixtes

L'alternative est peut-être plus crédible finalement, en tout cas elle a au moins le mérite de la simplicité et de la cohérence : elle consiste à croire que les événements passés, présents et futurs existent tous, qu'ils sont tous déjà parfaitement déterminé dans un "univers bloc" qui contient tous les événements de l'univers. C'est ce qu'on appelle "l'éternalisme". Selon certaines versions de cette théorie, il n'y a pas de présent privilégié : si les choses apparaissent être passées ou futures, ce n'est que relativement à un point de vue particulier dans cet univers bloc (le notre), mais objectivement parlant, ce point de vue n'a rien de spéciale, il vaut bien les autres. Et quelque soit la version de l'éternalisme qu'on adopte, il est impossible de sauver notre intuition que le futur est ouvert, puisque celui-ci existe déjà de manière déterminée. L'ouverture du futur s'expliquerait en fait de manière subjective : non que les événements futurs "ne sont pas déterminés", mais que nous sommes dans l'incapacité de les connaître.

Fuji apple
(A noter au passage que l'éternalisme n'est pas à confondre avec le déterminisme, qui postule que le futur est déterminé par l'état présent de l'univers et les lois de la nature. Il se peut par exemple que le futur existe "déjà" en un sens métaphysique, mais qu'il ne puisse pas être entièrement déterminé par l'état présent de l'univers).

S'il n'y a pas vraiment de présent objectif, alors on peut être tenté de croire que le temps comme le changement n'existent pas vraiment, ou plutôt qu'ils se réduisent aux relations de succession entre événements, c'est à dire à une histoire de positionnement dans l'univers-bloc. Le changement serait une illusion : la pomme ne pourrit pas, elle est juste "mûre-à-un-instant-donné", et "pourrie-à-un-autre-instant".

Cette vision des choses semble logiquement plus claire et cohérente que la précédente, mais elle heurte nos intuitions, elle semble difficilement compatible avec notre expérience commune, et le philosophe Bergson s'était insurgé contre cette "spatialisation" du temps. Pour lui, cette spatialisation est avant tout une caractéristique de nos représentations, mais pas du temps vécu réel.

Peut-on avoir le beurre et l'argent du beurre ? Peut-on accepter l'existence du passé sans pour autant abandonner l'idée d'un véritable "devenir" ? C'est ce que proposent certaines théories mixtes, pour lesquelles le passé existe, mais pas le futur (elles sont surnommées "growing block"), ou pour lesquelles l'unievrs-bloc existe, mais il existe toutefois un présent objectif se déplaçant ans ce bloc ("moving spotlight").

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Malheureusement ces théories ont des conséquences un peu étranges, et n'échappent pas vraiment aux problèmes du présentisme. Par exemple, si Socrate existe dans le passé, est-il conscient, et sait-il qu'il n'est pas présent ? S'il est conscient, comment savons-nous que nous sommes nous-même réellement au présent, et pas dans le passé ? Si Socrate n'est pas conscient dans le passé (peut-être que la conscience n'existe qu'au présent), pourquoi alors peut-on affirmer assez naturellement qu'il était conscient ? Est-ce que le langage courant se trompe ? Encore une fois une réinterprétation du langage courant peut sembler être une option peu attrayante. Et si le passé existe, c'est d'une manière assez particulière. Finalement ces théories mixtes ne semblent pas constituer une alternative très intéressante au présentisme.

Théories A et B

Tout ceci est plus ou moins lié à ce que McTaggart, dans un article maintenant célèbre de 1908, a baptisé "théorie A" et "théorie B" du temps. Il s'agit de deux approches dans la manière de situer des événements dans le temps. La théorie A situe chaque événement par rapport à un instant privilégié, le présent (la première guerre mondiale a commencé il y a 100 ans, la seconde il y a 75 ans), tandis que la théorie B consiste à situer les événements les uns par rapport aux autres sans ne privilégier aucun instant particulier (la seconde guerre mondiale commence 25 ans avant la première).

Guetteur au poste de l'écluse 26.jpg
Ces deux façons de faire sont équivalentes quant à la façon dont elles ordonnent les événements. Cependant selon Mc Taggart, seule la théorie A est à même de rendre compte de l'idée de changement objectif : un événement est objectivement futur, puis devient objectivement présent, puis objectivement passé. Mais pour Mc Taggart la théorie A est incohérente. En effet pour rendre compte de manière cohérente du fait que le présent se déplace dans le temps, qu'un événement "devient" présent, il faudrait ajouter une seconde dimension temporelle au cours de laquelle le présent se déplace vers le futur. Et donc il faut introduire un deuxième type de changement, qui est le changement de la propriété d'être présent, passé ou futur associée aux événements. Tout ceci semble ne pas avoir beaucoup de sens, et on risque d'aboutir à une régression à l'infini. La seule façon cohérente de faire serait de retomber sur la théorie B : les événements ne sont présent, passé et futur que relativement à d'autres événements ou instants, mais pas de manière absolue.

La question de l'existence du passé ou du futur est distincte de cette histoire de théories A et B. La première question est existentielle : le passé et le futur existent-ils ? La seconde se demande si, une fois qu'on a accepté leur existence, le présent jouit vraiment d'un statut privilégié qui permet de situer de manière objective les événements, ou bien si tout est relatif, si le temps se réduit à des relations entre événements. En fait ce que l'argument de Mc Taggart semble indiquer, c'est qu'une fois qu'on a admis l'existence du passé et du futur au même titre que celle du présent, il n'est plus possible d'accepter une théorie A au risque d'être amené à des absurdités. L'alternative serait donc : théorie A et présentisme, ou théorie B et éternalisme.

L'argument de MacTaggart a fait couler beaucoup d'encre au cours du 20ème siècle et il continue aujourd'hui encore de nourrir les débats.

La théorie de la relativité enfonce le clou

Wooden hourglass 3
Nous voyons que le package théorie-A et présentisme n'est pas exempt de difficultés, et qu'on peine un peu à sauver nos intuitions qu'il existe un réel changement et un présent absolu, tout en faisant justice à la façon dont nous parlons du passé comme de quelque chose de réel. Peut-être que le présentisme se serait bien passé de nouveaux arguments issus de la physique contemporaine.

A l'époque de Newton, on peut dire que la physique était relativement neutre sur la question du temps. Certes, Newton a fait du temps une dimension assez semblable à l'espace sur le plan mathématique, mais elle joue tout de même un rôle différent. On la comprend aisément comme la dimension permettant aux choses "de se dérouler", de changer. Chaque instant, l'univers est dans un état bien déterminé qui détermine l'instant qui lui succède. Pas de quoi heurter outre mesure nos intuitions.

Mais la relativité va venir chambouler ce beau tableau. Nous avons évoqué dans le dernier article la façon dont cette théorie a été élaborée, et certaines de ces caractéristiques. Parmi elles :

  • les mesures de distances et de durées ne sont pas absolues, mais relative au référentiel (à un choix de coordonnées).
  • la notion de simultanéité entre événements est également relative plutôt qu'absolue.

(Voir ici quelques vidéos didactiques sur le sujet)

Tout ceci pose problème. Le premier point implique qu'espace et temps sont intimement liés. Les dimensions spatiales sont en quelque sorte "convertibles" en dimension temporelle, et inversement, quand on passe d'un référentiel de mesure (c'est à dire un choix de coordonnées) à un autre. L'espace-temps de la relativité forme un tout, un unique objet mathématique au sein duquel il n'existe pas de façon absolue de se situer et de mesurer les distances. Si l'on prend la relativité au sérieux, il faudrait donc effectivement concevoir l'univers comme un bloc à quatre dimensions, contenant l'ensemble des événements futurs, passé et présents, au sein duquel chaque observateur voit sa flèche "futur" pointer dans une direction potentiellement différente de celle de son voisin, qui dépend notamment de sa vitesse par rapport aux autres.

World line
Le second point, le fait qu'il n'y ait plus de notion de simultanéité absolue, plaide directement en faveur de la "théorie B", puisqu'il n'est même plus possible de définir un instant présent qui soit objectif, indépendant du choix de référentiel. Les relations de succession temporelle entre événements distants sont relative : suivant les coordonnées qu'on adopte, il est possible d'ordonner certains événements d'une façon ou d'une autre -- ce qui est foncièrement incompatible avec l'idée d'un ordre absolu des événements dans le temps que prône la théorie A. Celle-ci voudrait qu'il existe un présent objectif, mais ce présent objectif ne peut être défini au sein de la théorie que par le choix arbitraire d'un système de coordonnée qu'aucune observation ne départage vraiment des autres.

Devenir local et temps global

La relativité fait donc un pas important vers l'assimilation du temps à une dimension sinon identique, du moins fortement indissociable de l'espace. C'est précisément un point de compatibilité avec la théorie B du temps que de la rendre semblable à une dimension spatiale : tout comme il n'y a pas de "ici" objectif, il n'y aurait pas de "maintenant" objectif.

Laetoli recreated
Ce qui reste valable en relativité, toutefois, c'est une notion de succession temporelle locale. On dit qu'il est possible d'obtenir un ordre partiel des événements. En particulier, quand les événements sont dans une relation telle qu'une influence causale peut se propager de l'un à l'autre (on dit que le second se situe dans le "cône de lumière futur" du premier) alors cette relation est absolue : tous les systèmes de coordonnées possibles s'accorderont sur le fait que l'un est dans le passé de l'autre.

Dans la vie courante, il n'y a généralement aucune ambiguïté quant au fait de savoir de deux événements lequel est passé (il faudrait des intervalles de l'ordre du milliardième de seconde, pour des événements distants de quelques mètres, pour qu'il y ait ambiguïté). C'est quand des événements sont trop distants et "simultanés" pour entretenir de relations causales qu'il n'existe aucune manière parfaitement objective de les ordonner. Par exemple, une explosion qui aurait lieu "maintenant" sur la galaxie d'Andromède, située à 2 millions d'années lumières de la terre, pourrait aussi bien être vue comme contemporaine des australopithèques, ou de nos lointains descendants...

Ce type d'argument peut s'étendre facilement de la relativité restreinte à la relativité générale, qui intègre la matière et la gravitation dans son tableau. On observe cependant en relativité générale qu'il est possible de définir un temps privilégié, celui d'un observateur qui serait resté au repos depuis l'origine de l'univers. Ceci correspond grosso-modo à faire une moyenne des temps propres des différentes matières se trouvant dans l'univers. C'est ce temps cosmologique qui permet de parler de "l'age de l'univers" sans entrer dans des contradictions liées à la relativité du temps.

Alors, a-t-on sauvé le présent, a-t-on enfin trouvé un référentiel privilégié ? Ca nous demanderait d'accepter que le présent est en quelque sorte émergent à l'échelle globale de l'univers, mais indéfini à l'échelle locale. On peut se demander la pertinence de cette notion s'il s'agit de rendre compte de l'expérience humaine. De plus la procédure dépend de trop de choix arbitraires, comme le choix d'une échelle et d'une façon de faire la moyenne. Peut-être que tout ça ressemble peut-être un peu trop à un "truc" mathématique pour être vraiment convaincant.

CMB Timeline300 no WMAP

Conclusion

Les théories scientifiques semblent donc peser dans la balance en faveur de l'éternalisme, donc de l'idée qu'il n'y aurait pas vraiment de présent objectif, et (à en croire McTaggart) pas vraiment d'écoulement du temps et de changement. Reste à savoir si cette remise en question de notre expérience commune ne viendrait pas saper la base expérimentale des sciences : celle-ci n'est elle pas ancrée dans celle-là ?

Potok pod jezerom 1
Bien sûr quand il est question de métaphysique, tout est toujours possible. On peut très bien postuler qu'il existe un présent absolu, même si celui-ci n'est pas déterminable par l'observation scientifique. On peut défendre cette idée par le fait qu'elle permette de "sauver" nos intuitions communes, ou de mieux expliquer notre expérience du changement. Par ailleurs certaines interprétations de la mécanique quantique, comme la mécanique Bohmienne, sont également amenées à postuler l'existence d'une simultanéité absolue pour sauver le réalisme (l'idée que les états de la matière ne dépendent pas de nos observations). On peut espérer qu'une future théorie combinant mécanique quantique et relativité permettent de nouveau de considérer qu'il existe un présent absolu.

On peut aussi adopter une attitude instrumentaliste vis à vis des sciences. C'est une manière plus radicale d'échapper à la discussion en refusant simplement de considérer que les sciences nous informent sur la nature fondamentale de la réalité au delà des phénomènes observables (voir de considérer que ces questions ont un sens). Ce type d'approche est bien entendu toujours possible, si je ne les évoque pas c'est qu'elles se situent disons "hors champs" dans le cadre de discussions métaphysiques, qui prennent implicitement le parti du réalisme.

Ou bien on peut penser que notre expérience commune est aussi bien expliquée par un devenir et un présent "local", relatif à une position dans l'espace-temps, mais que nos intuitions, qui voudraient que ce présent puisse s'étendre à tout l'univers, sont infondées. Une question qui pourrait alors s'avérer pertinente, à ce sujet, et celle de savoir si le temps possède une direction intrinsèque : y a-t-il, d'un point donné de l'univers bloc, une direction future objective, et donc une distinction objective entre le futur et le passé, qui soit une propriété fondamentale du temps ? Peut-être alors pourrait-on sauver au moins certaines de nos intuitions. Le prochain article portera sur cette question particulière.

7 commentaires:

  1. Permettez-moi de revenir sur votre excellent article « La métaphysique du temps ». A propos de l’éternalisme, vous écrivez :
    « L'alternative est peut-être plus crédible finalement, en tout cas elle a au moins le mérite de la simplicité et de la cohérence : elle consiste à croire que les événements passés, présents et futurs existent tous, qu'ils sont tous déjà parfaitement déterminé dans un "univers bloc" qui contient tous les événements de l'univers. C'est ce qu'on appelle "l'éternalisme". Selon certaines versions de cette théorie, il n'y a pas de présent privilégié : si les choses apparaissent être passées ou futures, ce n'est que relativement à un point de vue particulier dans cet univers bloc (le notre), mais objectivement parlant, ce point de vue n'a rien de spéciale, il vaut bien les autres. Et quelque soit la version de l'éternalisme qu'on adopte, il est impossible de sauver notre intuition que le futur est ouvert, puisque celui-ci existe déjà de manière déterminée. L'ouverture du futur s'expliquerait en fait de manière subjective : non que les événements futurs "ne sont pas déterminés", mais que nous sommes dans l'incapacité de les connaître. »
    Soit un mobile allant de A à B. Il occupe successivement l’infinité des positions intermédiaires qui les séparent. Si le passé a le même statut ontologique que le présent, il ne disparaît pas : quand le mobile est physiquement en B, il est encore physiquement en A et il est encore physiquement en l’infinité des positions possibles séparant A de B. Et à chacune de ces positions correspond un univers dans un certain état. Il n’y a pas un passé, mais une infinité de passés, dans une infinité d’univers, non pas successifs, mais juxtaposés. Même chose pour le futur. Une infinité d’infinités d’univers.
    Cela étant, si le passé et le futur sont aussi physiquement présents que le présent, il n’y a pas entre eux de différence ontologique. Le passé et le futur sont aussi présents que le présent. Dès lors les distinguer n’a pas de sens : n’existe que le présent, quel que soit le nom qu’on lui donne. Retour au présentialisme.
    D’autre part, si par hasard la durée de vie de l’univers n’est pas infinie mais finie, son futur ultime est sa disparition. Au moment où nous parlons, ce futur existe déjà : l’univers a disparu – et nous avec. Ou bien il n’a pas disparu, et alors il n’y a pas de différence entre être et ne pas être – une conclusion qui intéresserait Hamlet.

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    1. Merci pour ce commentaire.

      "Et à chacune de ces positions correspond un univers dans un certain état."

      Si par univers vous voulez dire un état instantané de l'univers, alors ce que vous décrivez est la théorie de l'univers bloc. À ceci près que dans cette théorie on appelle univers l'ensemble de ces états instantanés, et que le découpage du bloc en tranches d'états instantanés est en partie arbitraire (d'après la relativité).

      "Dès lors les distinguer n’a pas de sens : n’existe que le présent, quel que soit le nom qu’on lui donne. Retour au présentialisme."

      Pas vraiment : vous semblez glisser de "exister" à "être présent" mais le présent a une signification particulière qu'il est possible de réinterpréter dans la théorie de l'univers bloc comme étant relatif à une perspective ("présent" signifierait "simultané à mon point de vue").

      "Au moment où nous parlons, ce futur existe déjà : l’univers a disparu"

      De nouveau il y a un glissement. Ce futur existe, mais pas "dejà" si le futur et le passé sont interprétés relativement à notre position. Rien ne justifie l'emploi du passé "a disparu" dans ce cas.

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  2. Pour dire les choses au autrement, il me semble que votre commentaire reproduit dans l'idée les arguments de McTaggart: si on combine une façon de parler qui attribue une valeur absolue au présent, passé et future (théorie A) avec un eternalisme, on arrive vite à des contradictions logiques (l'univers existe et n'existe pas). La solution est donc de parler différemment du temps en termes de relations (théorie B). On peut alors dire sans contradiction que quelque chose existe-à-t1 et n'existe pas à t2. Mes réponses dans le commentaire précédent consistent à adopter cette solution.

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  3. Puis-je risquer un nouveau commentaire ? Vous écrivez « présent » signifierait « simultané à mon point de vue ».
    L’univers est dans la superposition de tous ses états, présents, passés et futurs. Ils sont tous également donnés de manière définitive. Je fais partie de l’univers, donc il en est de même pour moi. J’ai tous les âges de ma vie, y compris ceux à venir. Entre ma naissance et ma mort, j’ai une infinité de points de vue, tous juxtaposés et définissant autant de présents, tous ontologiquement identiques, aucun privilégié. Je suis donc dans l’impossibilité de distinguer ce qui est présent, passé ou futur. Ou bien tout est présent, ou bien rien ne l’est.
    C’est peu de dire que cet univers est totalement déterminé : il est totalement immobile, puisque tout ce qui peut s’y produire s’y est produit et que rien ne s’y produira. Le mobile est à la fois à son point de départ et à son point d’arrivée : il ne passe pas de l’un à l’autre, il est au repos en chacun des points de sa trajectoire (c’est le monde de la fameuse Dichotomie de Zénon d’Elée).
    D’autre part, s’il n’y a pas de présent qui ne soit celui d’un observateur, ce présent n’existe pas indépendamment de lui. Si ce présent est la réalité, la réalité n’existe que relativement à cet observateur : on est dans un monde solipsiste.
    Concernant les défis du présentisme : Soit un mobile allant de A à B. Quand nous disons qu’il est présent en B, il y est physiquement, indépendamment de moi. Il n’est plus physiquement en A. Mieux : il ne peut être en B que s’il n’est plus en A. Si je sais qu’il s’est déplacé de A vers B c’est parce que je me souviens qu’il était en A. Mais la configuration « le mobile en A » n’existe plus physiquement dans la réalité, elle n’existe plus qu’abstraitement dans ma mémoire. Pour dire les choses sommairement, la différence entre présent et passé tient à ce que le présent existe physiquement dans la réalité, alors que le passé n’existe plus que dans la mémoire de l’observateur, sous forme d’information abstraite (et le futur sous forme de spéculation tout aussi abstraite).

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  4. "Je suis donc dans l’impossibilité de distinguer ce qui est présent, passé ou futur. "

    Ça ne s'ensuit pas. On peut distinguer la droite et la gauche même si aucun endroit n'est privilégié par rapport à un autre.


    "Si ce présent est la réalité"

    Ce n'est pas le cas pour un éternaliste.

    "Pour dire les choses sommairement, la différence entre présent et passé tient à ce que le présent existe physiquement dans la réalité"

    C'est la thèse présentiste. Vous pouvez la défendre mais ce n'est pas la seule sur le "marché des idées".

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  5. à Jeveunepladeblquer:
    "Concernant les défis du présentisme : Soit un mobile allant de A à B. Quand nous disons qu’il est présent en B, il y est physiquement, indépendamment de moi. Il n’est plus physiquement en A. Mieux : il ne peut être en B que s’il n’est plus en A. Si je sais qu’il s’est déplacé de A vers B c’est parce que je me souviens qu’il était en A. Mais la configuration « le mobile en A » n’existe plus physiquement dans la réalité, elle n’existe plus qu’abstraitement dans ma mémoire."
    Lorsque me mobile c'est en A, il est dans le Temps propre de A, et lorsque il est en B,le mobile est physiquement en B plus dans le Temps propre de B. À mon avis c'est l'argument du récente film "Interestelar"

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  6. Costa de Beauregard avait émis l'hypothèse que l'Univers-Bloc (éternaliste) ne pouvait être parcouru par une conscience que dans le sens de l'entropie croissante car elle permettait la néguentropie, synonyme d'information sur le passé et d'action sur le futur. J'aimais assez ce modèle et j'aimerais que le paradis consiste en la faculté de la conscience de parcourir l'Univers-bloc au gré de sa volonté.

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