mardi 23 juin 2015

Les classes naturelles (2) : classifications scientifiques et essentialisme

Reservekanister
Dans le dernier article, nous nous sommes demandé si la façon dont on classifie les objets du monde en types ou familles, notamment dans les sciences, correspondait ou non à un découpage réel dans la nature. Nous avons vu que plusieurs attitudes existent à propos des classes naturelles :
le constructivisme :
elles sont relatives à un point de vue humain, et peuvent être arbitraires ou conventionnelles.
le nominalisme :
il s'agit objectivement d'un bon découpage, mais qui ne correspond à rien dans la nature si ce n'est des ressemblances entre groupes d'individus.
le réalisme :
les classes naturelles existent dans la nature, et on peut éventuellement leur associer une essence (des propriétés intrinsèques qui identifient les membres de la classe, par exemple leur micro-structure).

Nous nous sommes intéressé la dernière fois à cette question principalement sous l'angle de la philosophie du langage, et nous avons vu que les arguments de Kripke et Putnam pouvaient nous faire tendre vers l'essentialisme : généralement, les termes que nous utilisons pour désigner des classes naturelles fonctionnent comme s'ils faisaient référence à de réelles entités dans la nature plutôt qu'à des agrégats de propriétés superficielles. Cependant comme nous l'avions remarqué, ce n'est pas parce que le langage fonctionne ainsi que les classes naturelles existent réellement et correspondent à des essences : nous pouvons très bien être dans l'erreur.

Aujourd'hui nous allons nous demander en quelle mesure l'essentialisme peut être défendu vis-à-vis des classifications produites par différentes disciplines scientifiques : la physique, la chimie, la biologie, la psychologie et la sociologie.

jeudi 11 juin 2015

Les classes naturelles (1) : La philosophie du langage

Salt water fish with Finnish text
Nous autres êtres humains adorons classer : les styles de musique, les livres sur nos étagères, les torchons et les serviettes... La science aussi produit des classifications : des êtres vivants, des étoiles, des minéraux ou des éléments chimiques...

En un sens presque tous les noms communs de notre langage constituent une classe : celle des objets qu'ils servent à nommer.

Mais nous ne pensons pas que toutes les classifications correspondent à un découpage naturel. Certaines sont orientées vers des buts pratiques, elles sont donc relatives à nos préoccupations d'êtres humains et nous sommes près à accepter qu'il y a une part d'arbitraire dans ce découpage, en tout cas qu'il ne correspond pas forcément à quelque chose d'objectif ou de naturel. Ce n'est certainement pas le cas à propos des artefacts, et la façon dont on classe les légumes ou les poissons pour nos besoins culinaires ou industriels, par exemple, ne correspond pas nécessairement à la façon dont les biologistes vont les classer en familles et espèces, ou encore, l'ensemble des objets blancs est tellement divers qu'il est douteux qu'il constituent une véritable classe naturelle d'objets. Il s'agit plutôt d'une propriété superficielle partagée par certains objets.

Dans le cas des classifications scientifiques cependant on peut être amené à penser que ce découpage correspond à quelque chose de naturel, qu'il s'agit d'une bonne façon de découper le monde et de regrouper les objets qui n'est pas arbitraire ou conventionnelle et orientée vers des buts particuliers, mais objective.